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Pourquoi la Serbie aime tant la France et la langue française

FIGAROVOX/TRIBUNE - En cette semaine de la francophonie, l’ambassadrice de la Serbie en France explique la profondeur des liens entre nos deux pays. Elle explique la volonté de Belgrade, membre associé à l’Organisation internationale de la Francophonie, de devenir membre à part entière.


Deux écrivains français parmi les plus importants du XIXe siècle, Victor Hugo et Alphonse de Lamartine, ont rencontré les Serbes, notre histoire, notre mentalité et nos aspirations. Leurs propos sur la Serbie sont devenus des témoignages durables et font partie de la mémoire historique commune des valeurs que le peuple serbe a depuis toujours embrassées.

On connaît le plaidoyer de Victor Hugo, Pour la Serbie ! qui décrit les horreurs de la souffrance des peuples de l’époque. Le courage et la persévérance de nos ancêtres dans leur lutte pour la liberté au XIXe siècle ont été plébiscités à travers toute l’Europe par Lamartine, qui, lors d’un séjour en Serbie, a écrit: «J’aimerais combattre avec ce peuple naissant pour la liberté féconde».

Au XXe siècle, l’amitié entre la France et la Serbie, dont témoigne notamment leur alliance pendant la Grande Guerre, a donné un nouvel élan à la diffusion des valeurs francophones et à l’influence de la culture française sur les artistes, les scientifiques et les hommes politiques serbes.

En 1839 il a été décidé d’enseigner le français dans toutes les classes de langues étrangères au collège et au lycée de Kragujevac, à l’époque capitale du pays.

Les peintres serbes les plus célèbres tels que Sava Šumanović et Marko Čelebonović, membre du Mouvement de Résistance française, ont vécu en France durant l’entre-deux-guerres et ont été influencés par l’école française, ce qui a laissé une forte empreinte sur leur œuvre artistique, qui se classe parmi les plus importantes créations de l’art serbe.

D’autres éminents peintres serbes ont suivi leurs traces comme Petar Lubarda, Ljubo Popović, Petar Omčikus ainsi que celui qui nous a récemment quittés, Vladimir Veličković, et qui fut le seul artiste de notre région à devenir membre de l’Académie française des beaux-arts, aux côtés du biologiste serbe Ivan Djaja, membre correspondant de l’Académie française des sciences.

À travers des œuvres artistiques et scientifiques au sein lesquelles ils ont tissé non seulement les connaissances acquises en France mais aussi un fort amour pour celle-ci, ils continuent tous à remplir la mission qu’ils se sont donné pour la vie: répandre la noble influence sur des générations de Serbes qui, élevés dans l’esprit de liberté, d’égalité et de justice, nourrissent également l’héritage des valeurs françaises.

La Serbie a une longue tradition d’apprentissage du français, ce que montre également le fait que sur suggestion des autorités éducatives de la Principauté de Serbie, dès 1839 il a été décidé d’enseigner le français dans toutes les classes de langues étrangères au collège et au lycée de Kragujevac, à l’époque capitale du pays.

Au début du XXe siècle, la Société littéraire française a été fondée à Belgrade, et Gaston Gravier, géographe et ethnologue français, a été nommé lecteur de langue française à l’Université de Belgrade.

La beauté de l’expression littéraire de la langue serbe a été présentée au public francophone par nos grands écrivains, dont les œuvres ont été traduites en français.

À ce jour, un grand nombre d’écoles primaires et secondaires ont été créées dont certaines dispensent aussi un enseignement bilingue et qui, y compris le Lycée français de Belgrade, élèvent des générations entières de jeunes Serbes qui parlent français et qui s’épanouissent professionnellement dans toute la communauté francophone.

Parmi les plus célèbres figure l’école élémentaire «Vladislav Ribnikar», qui porte le nom du fondateur du plus ancien quotidien serbe «Politika». Celui-ci, avant d’introduire les bases du journalisme moderne en Serbie, avait étudié à la Sorbonne.

Notre attachement, bien sûr, n’est pas à sens unique. La beauté de l’expression littéraire de la langue serbe a été présentée au public francophone par nos grands écrivains avec en tête Danilo Kiš, Branimir Šćepanović et Milorad Pavić, dont les œuvres ont été traduites en français et publiées dans tout l’espace francophone.

Nos relations, naturellement, ne sont pas seulement historiques. Il suffit d’entendre les premières notes de musique de notre réalisateur Emir Kusturica et de son groupe lors de concerts comme celui qui s’est tenu à l’Unesco en 2019, pour ressentir l’énergie artistique unique du double lauréat de la Palme d’or.

Des centaines de milliers de Serbes, se sont imprégnés des valeurs francophones, formant un lien durable non seulement avec la France mais avec toutes les autres nations francophones.

Les Français et les Serbes partagent un plaisir commun lorsqu’ils écoutent le virtuose Nemanja Radulović qui vit et travaille à Paris, mais également la fierté lorsque notre joueur de tennis légendaire Novak Djoković s’exprime en français à chaque fois qu’il en a l’occasion.

Si ces personnalités célèbres constituent la trame de nos liens, ce qui leur donne de la force, ce sont des centaines de milliers de Serbes, citoyens ordinaires, qui explorant leur chemin de vie, se sont imprégnés des valeurs francophones, formant un lien durable non seulement avec la France mais avec toutes les autres nations francophones.

De la fermeté de ce lien découle tout naturellement notre détermination stratégique de faire évoluer notre statut au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie jusqu’à devenir État-membre à part entière dans un avenir proche.

Ainsi je reste convaincue qu’aujourd’hui, comme il y a près de 150 ans, Victor Hugo s’exclamerait à nouveau «Pour la Serbie!»

«Les Français connaissent-ils vraiment la Serbie?»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Emmanuel Macron est en visite officielle en Serbie lundi 15 et mercredi 16 juillet. À cette occasion, l’Ambassadrice de Serbie en France Natasa Maric salue le rayonnement culturel de son pays à l’international et rappelle l’importance du lien qui doit exister entre les Serbes et les Français.

Madame Natasa Maric est Ambassadrice de Serbie en France.


Je rencontre fréquemment des Français, surtout des jeunes, des étudiants et des journalistes, qui demandent sans cesse quand la Serbie deviendra enfin un pays européen, se référant certainement à notre adhésion à l’UE. Répondre à cette question est un grand défi car la Serbie, par son patrimoine historique, culturel, sa civilisation les valeurs communes et son mode de vie, appartient à la communauté des nations européennes. Ce désaccord entre géographie et géopolitique dans la vie quotidienne peut être source de confusion, et si je voulais vraiment exagérer, je dirais que cela pourrait créer une crise d’identité ; en effet, quand j’achète un timbre, ou bien quand je choisis le forfait pour mon portable, et que le vendeur me demande si la Serbie est en Europe, je réponds par l’affirmative ; mais le logiciel me ramènera vite à la réalité parce que mon pays n’est pas encore dans l’UE.

La Serbie travaille sans relâche aux fondements de l’orientation pro-européenne.

Je me demande parfois si l’Europe connaît la Serbie d’aujourd’hui, ou bien l’exploitation médiatique de la misère qui s’est abattue sur les Balkans à la fin du siècle dernier domine toujours et embrume tout ce qui est arrivé avant et après les évènements terribles des années 90. Le festival EXIT vient tout juste de se terminer, et c’est un des plus grands et, comme l’affirme le quotidien britannique The Guardian, un des meilleurs festivals musicaux européens. Ce festival qui a été créé en 2000 à Novi Sad - où pour la première fois après les conflits des années 90, des jeunes de tous les Balkans se sont rassemblés, et ils étaient nombreux - a pour mission de promouvoir la paix dans le monde avec une sonorité de notre région. En parallèle à la création du festival EXIT, à Belgrade ont été posés les fondements de l’orientation pro-européenne sur laquelle nous travaillons depuis sans relâche, encore et continuellement, et ce malgré les nombreux défis qui nous sont dictés par les relations internationales actuelles. Le public venu du monde entier pour assister au festival qui se déroulait à la forteresse de Petrovaradin, a séjourné, en fait, dans la Capitale européenne de la jeunesse, titre que la ville de Novi Sad a remporté pour l’année 2019. Il y a quelques mois à peine, afin de promouvoir la ville pour ce titre, nous avons organisé une soirée au Centre culturel de Serbie à Paris, situé à quelques pas du centre Pompidou, où se déroulait simultanément la rétrospective des films du célèbre cinéaste serbe Želimir Žilnik.

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L’ouverture du festival a été précédée par la découverte de l’installation conceptuelle «One Day...» de Yoko Ono, qui est l’expression de la coopération entre EXIT et l’artiste culte dans le cadre du projet «Première paix mondiale», par lequel EXIT célèbre le centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale. L’œuvre de Yoko Ono a été révélée symboliquement le jour de la signature du traité de Versailles, et est consacré à la paix et à la survie. Nous pouvons voir cela comme un avant-goût de l’année 2021, l’année où Novi Sad sera la Capitale européenne de la culture.

Belgrade ne porte pas le titre de capitale culturelle mondiale, mais à l’automne, du moins une partie de la ville sera exposée à la lumière de la culture mondiale. L’exposition «Cleaner», consacrée à l’artiste de renommée mondiale, Marina Abramović, sera inaugurée au Musée d’art contemporain en septembre. Le public aura l’occasion unique de découvrir les œuvres de la grande artiste-performeuse dans sa ville natale.

L’effervescence du dialogue politique marque le désir mutuel de renouer les relations entre la Serbie et la France.

La création «One Day...» a été dévoilée le 28 juin, et le même jour dans la synagogue de Novi Sad, le violoniste serbe Nemanja Radulović, qui vit et travaille à Paris, a donné un concert magistral. En outre, le 28 juin, les Serbes célèbrent Vidovdan, une grande et importante fête que nous affectionnons et qui réveille en nous des souvenirs bons comme mauvais, nos victoires comme nos défaites. L’image envoyée par Novi Sad en ce jour festif reflète le présent et le modèle de la Serbie d’aujourd’hui, peut-être encore peu connue. Le Président Emmanuel Macron s’en apercevra lui-même aujourd’hui lors de sa visite à Belgrade où il est reçu par le Président serbe Aleksandar Vučić, première visite d’un Président français depuis 18 ans et en cette année marquant les 180 ans des relations diplomatiques franco-serbes. Les prémices de cette visite furent la venue à Paris de la Présidente du gouvernement serbe Madame Ana Brnabić, lorsqu’elle a rencontré son homologue Monsieur Édouard Philippe, et le Président du Sénat, Monsieur Gérard Larcher. Cette effervescence du dialogue politique est la marque d’un désir mutuel pour restaurer, et élever au plus haut niveau les relations entre nos deux pays comme elles ont toujours été à travers l’histoire.

En 1930 à Belgrade a été érigé le Monument de la reconnaissance à la France célébrant notre alliance lors de la Première Guerre mondiale, et il est le symbole de l’amitié franco-serbe. Avec le regard tourné vers l’avenir et sur son chemin vers l’Europe, la Serbie a plus que jamais besoin du soutien indispensable son vieil allié.

 

La première partie de l'inscription pour l'année scolaire 2022/23 dans toutes les classes de cours de langue serbe commence le 2 mai 2022. Toutes les informations sur les lieux et les dates de cours ainsi que les contacts des enseignants se trouvent sur le site de l'école https://srpski.fr/.
Les demandes d'inscription sont disponibles sur le site de l'école. Pour toute question complémentaire vous pouvez contacter les enseignants :